mercredi 22 août 2012

« Les Récades des rois du Dahomey »



Un modèle de recherche pluridisciplinaire : « Les Récades des rois du Dahomey », par Alexandre Sènou Adandé », IFAN, 1962, 104 pages, 37 pages de planches, carte.


Je me permets aujourd’hui, en hommage à Feu Alexandre Sènou ADANDE, de vous parler brièvement d’un de ses ouvrages « Les récades des rois du Dahomey » et de ce qu’il a apporté, de cette manière,  à ma carrière  d’anthropologue et d’historien d’art. Cette carrière, je la lui dois en partie et c’est par là qu’il convient que je commence cette contribution à deux parties, un témoignage d’une part et une analyse d’ouvrage de l’autre. La pensée cartésienne dont les mérites sont certainement immenses, nous a habitués à exclure de nos « travaux scientifiques » les témoignages, puisqu’apparemment, ils sont un appendice à l’essentiel, l’analyse. Et pourtant, sans le rapport et la rencontre de l’homme qu’il fut, la probabilité est mince que je sois aujourd’hui ici à vos côtés. Et la science elle-même ne se construit qu’avec un matériau que l’on a rassemblé et dont la richesse et la consistance créent l’âme et le corps de la science. Tout est en tout et ne voici-t-il pas longtemps que la probabilité à exclu le hasard de nos spéculations et hypothèses ou en a limité l’impact à la plus petite valeur possible ? Les historiens de l’art redécouvrent aujourd’hui l’art total et une nouvelle science pour eux à l’horizon se lève, la « sensiotique » qui veut que désormais la discipline rende compte non seulement de ce que un seul sens, souvent la vue, permet d’appréhender, mais de tout ce que tous les sens en synergie permettent de découvrir et d’apprendre. L’homme se redécouvre ainsi un être-de-relations, construit par la somme des rencontres qu’il a faites et qui l’ont marqué et fait de lui ce qu’il est. Chacun de nous est donc comme un fleuve qui charrie en permanence la totalité de ces apports. Aussi votre généreuse indulgence me permettra-t-elle de redire comment Feu Alexandre Senou ADANDE a largement apporté sa pierre à l’édifice que je continue de construire jusqu’à ce jour.
Je  vous entretiendrai sommairement des circonstances de notre rencontre, et de sa présence tout au long de mes études universitaires dans notre pays dont je suis le premier historien d’art en titre. Cette présence s’est prolongée et étendue à mon séjour européen. Je vous montrerai ensuite comment il fut lui-même, dès le départ, un grand intellectuel, ce dont témoigne son ouvrage sur les récades des rois du Danomey. J’achèverai ma communication en l’ouvrant sur les perspectives de recherches et d’études plus larges suggérées par ce même ouvrage.





A – Une rencontre inoubliable sur le chemin d’une soutenance universitaire
J’ai rencontré Feu Alexandre Sènou Adandé grâce à son fils, Alexis Adandé archéologue au Département d’Histoire et d’Archéologie de la Faculté des Lettres&Arts et Sciences Humaines où nous servons encore tous les deux au moment où je rédige ce texte. Il est bien possible qu’il se souvienne de ce moment. Pour ma part, j’ai mémoire de l’avoir croisé  à Dantokpa, pas loin de la maison de son oncle. Il m’a appris, sobre comme à l’accoutumé, en deux mots, que son père était revenu et que je pouvais le rencontrer. Alexis savait que je m’intéressais alors à l’histoire de l’art et que Feu Karl Augustt Emmanuel m’avait demandé d’écrire un mémoire sur les «  tentures et les bas-reliefs du musée d’Abomey ». J’étais en pleine recherche de documents et d’information pour ce sujet. Le rendez vous fut vite pris et mes rencontres, plutôt régulières chez Monsieur Alexandre ADANDE qui était heureux de relire et corriger les textes que je lui portais, commencèrent. Il fallait tenir parole et apporter à l’échéance fixée par mes propres soins, la part de texte à relire et corriger. Oui, Alexandre ADANDE m’ouvrit les portes de sa maison, et me fit profiter de toute la richesse d’une bibliothèque dont les volumes sur l’art dépassaient pour le jeune étudiant que j’étais alors dans ce pays,  l’entendement. Il partagea avec moi la documentation qu’il avait sur mon sujet et me permit d’utiliser aussi bien les esquisses des bas-reliefs croqués par le peintre Lishou qu’une copie d’une toile appliquée ancienne dont il avait gardé la photographie. Ces éléments ont figuré dans le mémoire de maîtrise et il n’est pas impossible qu’ils aient contribué à me faire décrocher la mention très bien qu’un jury plus rigoureux encore que lui-même a daigné m’accorder alors. Il convient de ne pas oublier que l’homme était à la fois documentaliste, archiviste, ethnographe et ethnologue. Le Jury ? Parlons en très rapidement, parce qu’il nous rapprochera de l’analyse d’ouvrage.
Une soutenance publique dans les années 75, même d’un simple mémoire de maîtrise, était déjà un événement. Elle pouvait durer le temps que là-bas, au pays des blancs, on allouait à un Doctorat de Troisième cycle. Du moins le pensions nous en tant qu’étudiants et avions nous une sacrée crainte de l’échéance fatidique pour les plus courageux. A la mienne, mes maîtres pointilleux à souhait  passèrent de l’histoire à la sociologie, puis de la bande dessinée à l’ethnographie et à l’art, ensuite  de la théologie à la philosophie. Mais il était uniquement question de toile. Leur mine enjouée, disait bien combien manifestement ils faisaient l’orgueil de leur savoir. Ils jouissaient de me voir balbutier des réponses quelque peu maladroite pour assurer une défense comme c’est de règle. Ils avaient commencé à me pousser, comme c’est la loi dans ce genre de jeu, dans mes retranchements. Et l’un d’eux de m’interpeller  « Vous auriez dû », dit-il, «  rencontrer Monsieur Alexandre Adandé. Il est maintenant présent à Cotonou ». ET Monsieur ADANDE Alexandre qui m’avait fait l’immense honneur de venir à ma soutenance, à l’Université d’Abomey-Calavi, de se lever, au fond de la salle où il s’était discrètement assis, et de répondre : « Je suis là »…Vous imaginez la suite. Les questions furent plus « douces » et le gros nuage qui s’accumulait à l’horizon alla chercher fortune ailleurs, je ne sais où. La soutenance en tout cas ne dura pas plus de trois heures d’horloge puisque apparemment l’impétrant que j’étais avait dans son camp un homme dont la voix couvre les orages. Heureux et doux refuge aux heures de détresse ! 
Comme je l’ai mentionné ci-dessus,  je fus souvent présent dans les années 76 chez le savant ethnologue doublé  aussi d’un grand pédagogue, ne critiquant jamais mais toujours occupé à vous faire avancer selon la vitesse que vous lui proposiez. Il rectifiait toujours ce qui devait l’être,  ne faisant jamais économie de son point de vue et de sa vérité qu’il prenait soin d’étayer avec des arguments très précis. Ces présences dans la maison ADANDE à Akpakpa m’ont valu l’attention, le soin et la volonté de l’ethnologue de passer la main dans autant de domaines du savoir que possibles. Je n’évoquerai ici qu’un exemple, celui de la traduction dite « mot-à-mot ». Elle consiste à mettre sous chaque mot d’une langue comme le fongbe son sens en français avant de proposer de la phrase une version plus élaborée. C’était et c’est encore la seule méthode utilisée par la plupart des chercheurs en sciences humaines pour la traduction  des textes de chanson que l’on rencontre toujours dans les recherches culturelles dont celles du le plateau d’Abomey. Lui-même l’avait pratiquée dans son ouvrage « Les récades des rois du Dahomey » ; il pouvait donc l’enseigner, comblant ainsi les lacunes de ma formation à la recherche telle que dispensée alors aux historiens et géographes. Depuis, la Faculté s’est étoffée et le jeune maîtrisard, lorsqu’il a besoin d’un tel outil, sait trouver auprès des linguistes absents hier, la formation nécessaire à la sereine poursuite de ses travaux. On pourra par exemple vérifier qu’il ne reçoit pas un outil plus pointu que celui qui était déjà proposé dans les années 1975 par le savant homme.

B -Analyse de l’ouvrage

 C’est de l’ouvrage mentionné plus haut que je voudrais vous entretenir brièvement maintenant pour montrer à quel point il constituait, au moment où il fut mis à la disposition du public, un tournant dans les études sur la culture matérielle et artistique de notre pays. La recherche pluri-disciplinaire est aujourd’hui célébrée, voire parce que tout tant à prouver qu’un seul point de vue, un seul angle d’analyse ne peut plus cerner la totalité d’une question dans une culture. Mais voici déjà si longtemps que des aînés, comme lui, l’avaient maîtrisée, faisant de notre art un art total et par cet exemple, nous invitant à leur emboîter le pas. Dans le monde de l’art même nègre, qui connaissait les récades quand il en a discuté avec autant de brio ? Qui, en dehors du masque et de la statuaire, s’est intéressé à un bout de bois apparemment banal pour en démontrer toute l’importance dans son milieu d’origine, à la barbe de ceux qui prétendaient connaître l’Afrique mieux que les africains et que l’on nommait déjà « africanistes » ? L’auteur, non content de montrer l’importance de la récade comme représentation symbolique de la personne royale s’emploie à travers des études que nous nommons aujourd’hui transversales, à nous faire admirer la grande ingéniosité du peuple qui l’a conçue et sans y penser, la fait rentrer dans les archétypes du pouvoir non seulement dans son pays mais ailleurs dans le monde. Cette pensée a eu, pour ce qui concerne le Danhomè, des précurseurs.

1°) Les précurseurs
On ne peut discuter des récades sans se poser la question de ceux qui avant 1962  en ont fait mention, de façon directe ou indirecte, dans leurs écrits. Si une simple consultation de la bibliographie que nous propose l’auteur en donne une large vue, et oblige à se souvenir que des administrateurs des colonies comme Le Hérissé en 1911, Merwart (s.d), Waterlot par exemple figurent en bonne place, on n’y trouve pas de référence aux voyageurs du 19ème siècle dont les écrits sont en langue anglaise. Il est vrai et étonnant que Herskovits (1967) qui discute largement des arts plastiques et graphiques, consacrant de nombreuses pages à la sculpture, ne fait nullement référence aux récades. Ont-elles échappé à son regard à cause de leur cantonnement dans la sphère royale ou hautement sacrée ou tout simplement à cause de leur apparente banalité ? L’existence des « makpo » n’a en tout cas pas échappé à l’observation de Burton et de ses pairs. Ces auteurs n’auraient rien apporté d’autre à l’analyse de notre auteur que de certifier l’existence de la récade dans la longue durée. Il convient cependant de ne pas perdre de vue – et l’auteur insiste particulièrement sur cet aspect- dans son analyse transversale que « pour un peuple sans écriture, l’intérêt de ces pièces, les récades, réside en ce qu’elles constituent, dans une certaine mesure, un abrégé de l’histoire du pays, qu’elles permettent, grâce à leurs images et à leur symbolisme, d’imaginer, aujourd’hui, ce que fut la vie de cour avant l’occupation française, et qu’elles nous renseignent sur quelques aspects de la mentalité de nos ancêtres : c’est donc un accès de l’âme africaine que nous livrent ces productions »(Adandé, 1962 :13) Voyons de plus près dans quel contexte l’auteur se livre à cet exercice combien périlleux de l’exploration de l’imaginaire de nos ancêtres.

2°) Le contexte.

L’ouvrage sur les récades ne se comprend vraiment bien que si l’on prend conscience du cadre où il s’inscrit, un cadre beaucoup plus large que celui qu’évoque son auteur à la page 9. Certes, il y eut stage au Musée de l’Homme à Paris. Mais le Gun qu’il était aurait pu décliner l’offre d’étudier la culture Fon. µAu pire des cas, il aurait été mieux reçu chez lui, s’il s’était rabattu par exemple sur les pièces yoruba. Les Gun et les Yoruba partagent la même niche écologique et ils ont entretenu des rapports multiséculaires dont l’impact sur la créativité à Xogbonou-Adjatchè ne se discute pas. Les sources orales ne rapportent-elles pas que les premiers occupants du site de la ville seraient Yoruba et n’observe-t-on pas aujourd’hui un sanctuaire dédié au « serpent à neuf têtes » qu’ils ont vénéré, à Akron[1] chasseurs en quête de gibier ? Tout bon Gun n’est-il pas locuteur de Yoruba ?  Ce n’était pas les pièces yoruba et gun qui manquaient dans une réserve riche de plus de 50.000 objets en provenance de la colonie du Dahomey dans les années 50. On pourrait bien me rétorquer que les Gun et les Fon sont cousins. Oh certes, à Xogbonou[2], on parle le « alada gbe », la langue d’Alada et les Gun tout comme les Fon reconnaissent, lorsqu’ils sont cultivés dans leurs propres sources orales, savent bien que leurs origines ancestrales sont bien à Allada[3] même si l’histoire plus récente a prouvé que les liens de parenté n’ont pas suffi à éviter les nombreuses guerres dues aux intérêts commerciaux et de pouvoir. Avoir maintenu ce sujet d’étude signe la grande ouverture d’esprit de l’homme, son sens de la patrie qui ne se limite pas aux berges de la lagune à Porto-Novo ou du pays yoruba voisin. On peut aussi y lire la curiosité et donc l’intelligence du chercheur, son audace même, qualités qui ont toujours été appréciées dans le monde de la recherche universitaire. Voici donc un Gun de naissance, pétri de culture Yoruba qui se tourne vers ses cousins Fon pour les étudier et restituer en français les résultats de ses travaux. Senghor disait que le métissage était l’avenir de l’humanité. J’imagine qu’il l’entendait tant au sens figuré que réel. Voici donc un vrai métis culturel qui ne trompe pas et qui chaque fois se mettra à la hauteur des exigences de chacune des cultures concernées. Il convient, me semble-t-il, de prendre en compte les combats politiques de l’homme partisan du RDA et grand panafricaniste, convaincu que l’isolement ne nous mènera nulle part et que l’ouverture sur l’autre, sa rencontre, sur la base de l’égalité tout de même sont les gages d’un avenir meilleur.
L’introduction de l’ouvrage nous rappelle aussi une des qualités humaines du chercheur : sa grande humilité. Elle le pousse à accepter la proposition de Mme Denise Paulme, « l’étude des récades des rois du Dahomey dont le Musée possédait un grand nombre d’exemplaires, hérités de l’ancien Musée du Trocadéro et datant, pour la plupart, d’avant et d’aussitôt après la conquête du Dahomey »(Adandé, 1962 :9). Les maîtres ont toujours été  des guides dans la formation de la relève. S’ils indiquent despistes et ouvrent des voies, ils ne peuvent contraindre à les emprunter. Feu Alexandre Sènou Adandé fut suffisamment perspicace pour pressentir que malgré les possibles difficultés, le sujet serait de grande utilité pour la postérité.
Ce ne sont pourtant là que les prémisses. Le chercheur fait la preuve de sa maîtrise des principes  méthodologiques lorsqu’il s’empare de son sujet et, après avoir situé par une carte(Adande, 1962verso du sommaire) que l’on retrouvera dans la plupart des ouvrages sur le Dahomey jusqu’à nos jours, l’analyse, en fait l’historique en rapport avec le manche de houe qui se transforme en objet de parade, le décrit dans sa forme et en montre la ressemblance formelle avec la hache senoufo de parade en cuivre ancien(Adande,1962 :20).
 La culture anthropologique, ethnologique et historique apparaît dans l’examen des types d’objets similaires en Afrique de l’Ouest : « Au Soudan », écrit-il, » la crosse en bois rappelant la récade est une arme masculine et symbolise la force. Elle surmonte le toit des temples de la divinité BINU. Chaque famille avait son Binu, espèce animale à laquelle elle voue un respect particulier en mémoire d’une alliance autrefois conclue entre l’animal de cette espèce et l’ancêtre de la famille ». Puis notre chercheur passe en Haute Volta, au Congo belge où il trouve des objets de facture similaire.
C’est toutefois dans la suite de l’analyse que l’on devrait saisir le génie créateur de l’ethnologue. La simple observation de l’objet, s’il pouvait conduire à son utilisation dans la diplomatie et cela de façon universelle, ne prédisait pas ses rapports avec les tambours que l’on ne retrouve pas dans toutes les cultures.  Le chercheur a mis à nu de tels rapports et retranscrit la chanson célèbre maintenant de « Dada Sègbo ma Wa nude et ma non wa o gbè nude ni wa bo wa sè mè vo ». Elle ne fut pas la seule et d’autres comme celles des amazones ont aussi été retranscrites . Mais celle-ci est bien à sa place ; elle a la particularité d’amener dans l’arène sa majesté, le roi des Fon. Et il danse. Les images que nous offre l’ethnologue à cepropos ne sont pas ternes car le roi le fait devant tous, suivi de ses ministres qui l’imitent. On comprend ainsi ce qui est dit à mot couverts : le monarque partage la culture de ses sujets mais mieux qu’eux, il manipule, à cette occasion, la récade avec une adresse remarquable : « A la fin de ce chant, préambule à la danse royale, les servants dégagent rapidement le passage afin que le roi puisse entrer librement dans le cercle de la danse. Celui-ci s’avance majestueusement, décroche sa récade de l’épaule gauche, la brandit en l’air et la ressaisit de la main droite…Les ministres peuvent danser en tenant leur récade mais les griots « tiennent leur récade spéciale appuyée sur le sol ». Son utilisation n’est donc pas la même pour tous. Beaucoup se souviendront que cette chanson a été exécutée par l’auteur lors du colloque du centenaire de la mort du roi Glèlè, à Abomey, à la grande émotion des participants dont certains se dont donnés la joie de reprendre le refrain. Voilà donc un Gun qui va au cœur d’une culture sœur pour y prendre ce qui s’y trouve de meilleur.

2°) Un corpus substantiel et international

Les  historiens d’art admireront l’étendue du corpus de récades utilisé pour la démonstration mais aussi pour la comparaison qui est allée des objets présents à Paris et qui se nombrent à 112 aux 49 encore conservés à l’époque au musée historique d’Abomey(Adandé, 1962 :32).  Dans ce genre, la centaine depièces est requise pour pouvoir tirer des conclusions crédibles. Nous sommes bien, avec un total de 161 pièces en droit d’espérer que les résultats sont sûrs. Il eût certainement été possible de l’étendre aux collections présentes dans les autres établissements similaires en France comme ceux de Lyon, de la Rochelle, de Nantes célèbre pour la traite des Esclaves. La comparaison avec ce que d’autres musées en Europe détenaient aurait aussi pu être très instructive. Mais le mieux est souvent l’ennemi du bien et il convient de ne pas oublier que nous sommes dans le contexte colonial où chaque maître devait défendre et protéger sa colonie.
Les historiens et anthropologues d’art s’étonneront sans doute de constater que, tan disque tous les rois d’Abomey à l’exception de Adandozan (1797-1818) ont au moins une récade dans la collection du Musée de l’Homme, ni Dako qui a régné vers 1610, ni Akaba (1680-1708), ni Tegbessou(1728-1775) et Adandozan(1797-1818)  n’en aient  une seule dans les réserves du Musée d’Abomey.
 A la lecture de l’ouvrage, ils constateront que les rois n’étaient pas les seuls à détenir des récades mais que les reines ou les princes, les guerriers Blu[4], les Wesi, les dignitaires de culte comme ceux de Xebioso pouvaient aussi en posséder et qu’à nouveau, le nombre de ceux que l’on trouve en « métropole » est de loin plus important que celui dont dispose le musée historique d’Abomey. Ce constat amène naturellement à se demander si de toutes celles qui sont dans les réserves du grand musée parisien, aucune ne peut servir à combler les vides de collection dans le pays d’origine. Ce n’est peut-être pas le lieu de plaider à nouveau pour la restitution des biens culturels. Mais les spécialistes de la question estiment à raison aujourd’hui qu’un tel acte ne serait que justice. C’est le cas de Godonou Alain(2007 :114) qui décrit le manque drastique dont souffrent les musées africains incapables, à l’instar de leurs pairs occidentaux, de continuer d’éduquer leur jeunesse à partir de leur propre patrimoine : « …Quand bien même les marbres du Parthénon ne retourneraient pas en Grèce, les jeunes grecs d’aujourd’hui ont la chance de disposer d’institutions muséales ou patrimoniales suffisamment riches en témoignages de la civilisation grecque, et qui tiennent une place importante dans leur éducation, alimentant leur imaginaire et leur réflexion sur le mondeQue ceux qui ont du mal à appréhender ces données essayent d’imaginer que l’essentiel des collections des musées européens d’histoire et d’art témoignant des civilisations grecque, romaine, de la Renaissance, etc., jusqu’au début du siècle dernier, se trouve hors d’Europe, pour comprendre les manques et les traumatismes que cela représenterait pour les fondations historiques, philosophiques, technologiques des cultures européennes, et pour les héritiers de ce patrimoine ».
Il a fallu que l’ethnologue se rende bien à Paris pour pouvoir étudier les récades des rois du Dahomey. Si personne ne se scandalise de ce fait parce que nous étions encore très proche de la période coloniale, aujourd’hui, un tel déplacement, même pour des raisons d’étude, se justifie de moins en moins et s’explique d’autant moins aussi. Monsieur Didier Houenoude, au dernier congrès du CIHA à Nuremberg[5]  a présenté une communication « Objet de musées et enseignement de l’histoire de l’art au Bénin » où il montre la réelle difficulté qu’un enseignant a aujourd’hui à discuter de pièces d’art de grand symbolisme absentes des collections nationales comme c’est le cas du siège du roi Béhanzin propriété du Musée du Quai Branly aujourd’hui.
Les lecteurs s’émerveilleront de la profondeur de l’analyse qui montre comment naît une œuvre symbolique de la victoire des aladahonou[6] sur leurs ennemis, comment la houe, outil aratoire, se transforme en un objet de parade qui s’accroche, sur les beaux vêtements ; s’ils habitent l’actuelle République du Bénin ils constateront que la récade est devenue la pièce indispensable désormais pour marquer les pas de danse..

3° L’univers des picto-idéogrammes du peuple Fon
L’auteur montre aussi à travers sa présentation, que le peuple Fon est un remarquable créateur d’idéogrammes. Il convient donc tout d’abord de s’émerveiller de la richesse de  cet imaginaire Fon qui voit dans le bout de bâton courbé non seulement un manche de houe mais une tête de lion, avec une crinière sans jamais perdre de ses aptitudes premières d’arme ou de massue que l’on peut l’agrémenter de diverses manières que l’ethnologue- chercheur a décrites par les images qu’il nous en a montrées. Le verbe-imagé est bien la particularité des civilisiations de l’oralité. Le roi en disant qu’il est un lion laisse bien percevoir sa domination sur tous les animaux de la forêt ; mais la métaphore animalière qu’il utilise peut se transformer assez facilement en un objet concret revêtu de la forme suggérée. Fort heureusement, tous les rois du Danxomè ont procédé de cette même manière offrant du coup un large éventail d’images que les artistes et créateurs de cour sauront utiliser pour les célébrer. Ils pourront aussi recourir aux textes du kpanlingan qui, malgré son caractère oral, se prête facilement à une bonne visualisation. Jérôme Alladaye dans son ouvrage sur le kpanlingan(2010 :7) a bien raison de se référer à un autre grand maître de l’utilisation des sources orales pour construire l’histoire Joseph Ki-Zerbo qui dit ceci : « l’écrit, si utile soit-il, fige et dessèche. Il décante, dissèque, schématise et pétrifie : la lettre tue. La tradition orale habille de chair et de couleurs. Elle irrigue de sang le squelette du passé. Elle présente sous les trois dimensions ce qui est trop souvent écrasé sur la surface bidimensionnelle de la feuille de papier ». Les images de Ki-Zerbo sont bien aussi celles du monde de l’art, et on pourrait bien se demander s’il ne fait pas allusion à la peinture et à la sculpture, laquelle a été jusqu’à présent considérée comme le principal mode d’expression de l’Afrique.
Il est à déplorer que l’ensemble de l’ouvrage de Jérôme Alladaye ne s’occupe que de l’histoire stricto sensu et n’aborde nullement la qualité des images visuelles suggérées par les textes oraux dont la culture Fon est si friande et qu’elle a su transformer en picto-idéogrammes sur les calebasses gravées ou pyrogravées, sur les toiles appliquées ou les bas-reliefs et aussi sur lesrécades dont elles constituent la partie supérieure.

C – Un terrain de recherche peu courru.
Peu de recherches ont continué à être faites sur ce sujet. Il me souvient que le Museum National d’Histoire Naturelle à Paris, a entrepris il y a une dizaine d’années déjà, de reprendre ces études. Il conviendrait, qu’au plan national, la même démarche soit entreprise et que sur la vieille corde de nouvelles puissent se tisser. Le sujet se prête à de belles études de sociologie et d’anthropologie de l’art dont l’histoire de l’art elle-même et l’esthétique se nourrissent. Il pourrait par exemple permettre d’analyser la dispersion du modèle Fon de pouvoir en dehors du noyau central de ce  pouvoir qui, du point de vue des arts, a surtout pris aux autres pour se dire et se faire. Pourquoi le royaume cousin de Xogbonou n’a-t-il pas de récade dans ses armoiries et ses pratiques ? Quelle pièce la remplace et à quels usages ?  Associé à d’autres regalia, la récade pourrait montrer une volonté de vulgarisation de modèle vestimentaires pour des classes précises de citoyens, les chanteurs traditionnels par exemple. Enfin, les dons des affaires étrangères et des institutions internationales n’ont-elles pas, à partir de cette pièce, créé de nouveaux besoins de décoration et la récade n’est-elle pas devenue un puissant marqueur d’identité béninoise  aussi fort que le kente pour le Ghana ? C’est à l’Afrique qu’il apppartient de veiller à la préservation de ces signes culturellement forts et dont le lien avec notre passé continue d’être présent au cœur de nos cités, de nos us et coutumes.
                                                           Joseph C E ADANDE
                                                          
Bibliographie Sommaire
Adandé, A, 1962 : Les récades des rois du Dahomey, Ifan, Dakar, 104 pages, 37 pages de planches, carte
AkideleAkinsowon : Iwe itan Ajase ati oniruru, owo keji, Printed by The Ife-Olu Printing works, Lagos Nigeria, sd, 126 p

Godonou Alain, 2007 : « A propos del’universalité et du retour des biens culturels » in Réinventer les musées, Africultures, Dossier n° 70, pp 114-117

Herskovits, M,J, 1967 : Dahomey, an ancient West African Kingdom, Northwestern University Press, Evanston, 2 vol.

Pazzi, R, 1973 : Notes sur l’aire culturelle d’origine AJA,Lomé, 1973, 130 pages, ronéotypées, carte

Houenoude, Didier, 2012 : « « Objet de musées et enseignement de l’histoire de l’art au Bénin » Communication au Congrès du CIHA, Nuremberg 2012 en cours de publication.


[1] Akron est un des quartiers de la ville.
[2] Xogbonou, Adjatchè et Porto-Novo désignent la même ville. La première appellation signifierait « devant la grande case » en référence à un grand édifice qu’y aurait construit Tè-Agbanlin, fondateur de la ville. Adjatchè est l’appellation Yoruba de la même cité. Elle traduirait la victoire des Adja de l’Ouest sur les Yoruba fondateurs du premier noyau urbain. Porto-Novo serait dû à Eucaristus De Campos qui en voyant la ville aurait pensé qu’elle ressemblait à la ville de Porto au Portugal, mais ce serait la nouvelle Porto ou le nouveau port…de la traite. Pour cette dernière version, on peut se référer à « Iwe Itan Ajase de Akindele Akinsowon »,P5 : « Awon oyinbo Aguda ti o nse owo Eru ni o fun ilu yi ni oruko Porto-Novo, Itumo eyiti ise « Ebute Titun » « Ce sont les portugais trafiquants d’esclaves qui ont donné le nom de Porto-Novo à cette ville, dont la signification est « nouveau port ».
[3] Allada qui devrait s’écrire Alada, est le point d’arrêtimportant de la migration des fils du roi de Tado qui fonderont par la suite les trois royaumes cousins d’Alada, Agbomè et Xogbonou.
[4] Les Blu ou Blunu sont une aile de l’armée du Danxomè composée essentiellement, selon les sources orales, de ressortissants de l’Ashanti, ou de l’ouest du royaume du Danxomè. Pazzi (1973 :123) estime que l’lappelation désigne les peuples d’origine « Tekyiman ».
[5] Ce congrès a eu lieu du 15 au 21 Juillet.
[6]  Le terme désigne les migrants d’Adja-Tado installés à Allada d’où ils iront à l’assaut d’autres espaces et s’y installeront comme rois.

mercredi 9 mai 2012

RESUME DE L’HOMMAGE A PAPY ALEXANDRE SENOU ADANDE


ACTES DES JOURNEES D’HOMMAGE ET DU DEVOIR DE MEMOIRE

RESUME  DE L’HOMMAGE A PAPY ALEXANDRE SENOU ADANDE
06 MAI 2012 DAKAR (SENEGAL)

L’hommage à Papy Alexandre Sènou ADANDE  a été célébré à Dakar, en République Sénégalaise, le Dimanche 06 Mai 2012. Cet événement a été  accueilli à mains grand’ ouvertes par la Diaspora Sénégalaise.
Tonton Jean-Louis et Tata  Antoinette CORREA se sont joints à nous, ainsi que Mme Rosalie QUENUM et sa sœur  Tantie Félie et  Mme ABOUDOU Frieda  et ses enfants et Nesly LASSISSI pour ce devoir de Mémoire.
La journée a commencé par une messe pour le repos de l’âme de notre Cher Papy en l’église  du Sacré Cœur, rue Malenfant  (Dakar). Cette église où Papy a baptisé tous ses enfants en étant à Dakar.
Ce fut l’occasion pour tous de se rassembler  pour une action de grâce en son nom. Après la messe, tous nous avons convergé vers la maison ADANDE Alexis B.A.,  au plateau,  pour passer  une journée de partage. C’est dans une ambiance chaleureuse et fraternelle que tous avons dégusté des amuses gueules et pris des apéritifs,  le temps que tout le monde vienne et s’installe.
Par la suite, Maman Henriette a introduit le but de cette Journée d’Hommage. Tonton et Tata CORREA  qui ont connu Papy ASA à Dakar, ont conté l’histoire de celui-ci. Ils nous ont rappelé les multiples combats qu’il a mené et principalement  pour la Fédération  du Mali auprès de Papy Joseph CORREA. Ils nous ont aussi parlé de son acharnement pour le travail bien fait et son travail fait avec minutie qui est encore accessible au Musée de l’IFAN.
Grâce au tirage des photos postées sur le blog de l’Hommage à Papy, Maman et le couple CORREA  nous ont expliqué les détails  des époques.
Ensemble, nous avons savouré quelques bons mets du Bénin et du Sénégal. Par la suite, Fofo François ADANDE et Lucien qui ont, eux aussi, eu la chance de connaître Papy, ont raconté l’expérience  vécu avec lui. Pleins d’anecdotes ont été racontées afin de permettre  à ceux qui n’ont pas eu cette chance, d’avoir  en mémoire l’histoire de notre grand Patriarche.
Tous ont retenu qu’il était bon de se réunir  souvent pour parler et échanger ainsi, afin que les générations  continuent ce combat  qui est toujours d’actualité pour Honorer la mémoire de notre Papy. 

NB : Un merci spécial à tout un chacun ! Oui, car chaque personne présente de corps ou de cœur  s’est investie pour la réussite de ce devoir de mémoire.
Mention spéciale :
A Papa Alexis grâce à qui cet événement est né et fut une réussite internationale,
A Mamita Olga qui n’a ménagé aucun effort pour la préparation de cet évènement, paix à son âme, elle qui n’a pu être des nôtres pour ce Centenaire,
A Alex le Bloggeur qui, malgré ses charges en communauté, a pu nous offrir ce beau blog,
A Maman Henriette qui a été l’organisatrice zélée et assidue de cet évènement à Dakar,
A Mme Brigitte ADANDE pour les écriteaux et décorations de la maison,
A M. François ADANDE et Mme Jeanne MOLENTHIEL pour leur soutien et leur rôle de coordinateurs,
A Sethi S. ADANDE pour le tirage sur papier du blog pour son accessibilité pour tous,
A Tata et Tonton CORREA pour leur participation et leur présence malgré la distance et le deuil.

   
COMPTE-RENDU DU DEROULEMENT 
DE LA JOURNEE  DU 7 MAI 2012

Le lundi 07 mai 2012, après une messe d’actions de grâce donnée à la cathédrale Notre-Dame de Miséricorde de Cotonou, s’est tenue, à partir de 09h 32mn, à la salle de fêtes « les hortensias » au quartier Jak-Fifadjihouto, une séance d’hommage et de devoir de mémoire à : « un acteur engagé de son siècle : Alexandre Sènou ADANDE ». Elle a été introduite par l’Ambassadeur Jacques ADANDE, modérateur, qui, après avoir salué en aladagbé le Roi Toffa IX, le Zounon et Mito Mongbogan Agboton, a demandé en prélude l’observation d’une minute de silence en la mémoire de tous les défunts de la famille : Alexandre et Marianne Adandé et leurs enfants, Louisette, Edouard et Olga Elise Mahougbé qui vient de nous quitter. Dans une courte et dense entrée en matière, le modérateur a mis en exergue le sens de cette commémoration et son actualité dans le contexte général de notre pays, de notre continent et du monde contemporain.

Par la suite, il a présenté aux participants le programme de la demi-journée et annoncé la pause-café agrémentée par deux séquences d’animation des élèves de l’école « les hibiscus », juste après la visite de l’exposition. En matière d’animation, il faut mentionner l’intervention, avant l’entame de la commémoration, d’une troupe d’adjogan de Porto-Novo  (sur initiative de Mito Mongbogan Agboton). Les enfants nous ont gratifiés d’un ballet bien balancé, puis d’un sketch intitulé « le sang de l’amour ». Elles ont été chaleureusement applaudies pour leurs distrayantes prestations. Essentiellement composée de fillettes, cette petite troupe est encadrée par un instituteur, Monsieur Cyr Ahouangan, qui a expliqué brièvement le sketch et par un artiste Monsieur Hermann Lahami ; l’ensemble avait été au préalable présenté par la Directrice de l’école, Mme Rosine Ahonlonsou.

 Puis est venu le moment du vernissage de l’exposition : « Itinéraire d’un acteur engagé du XXe siècle : Alexandre Sènou Adandé ». La présentation de cette exposition temporaire a été faite par Alexis Adandé qui en a assuré la conception et le montage. A tout seigneur, tout honneur, ce sont les autorités coutumières qui ont eu la primeur du guidage. Cette exposition a combiné la présentation d’une sélection photographique en quatre (4) panneaux et cinq (5) portraits (Le Patriarche, deux  des grands frères, une des grandes sœurs et un grand neveu) et des objets-témoins  (dont des cahiers de Pontin et des livres) tirés de la collection privée du couple Alexandre et Marianne Adandé disposés sur quatre (4) tables, particulièrement la mascotte dite « la mendiante », sous forme d’une statuette rituelle bakuba, accompagnée de la devise : « symbole de la misère de notre peuple que nous avons le devoir de soulager ». Face à la salle de repas a été accrochée l’œuvre de l’artiste Syl. Pâris Kouton, intitulée : « ADANDE ; UN HOMME, L’HISTOIRE… » (96 x 76cm, mai 2003, collection Joseph C.E. Adandé).

Enfin intervint le moment d’échanges sous forme de témoignages et de communications. Six témoignages ont été faits dont le point d’orgue a certainement été celui de son ancien Directeur de cabinet au ministère  des finances et à celui de l’agriculture, Monsieur Marouf Mahmoud MOUDACHIROU. Par ordre chronologique, ont fait leur témoignage, M. Olayinka SANI-AGATA, petit-fils de feu Alexandre Sènou ADANDE, M. Gratien AHOUANMENOU, Professeur Albert EKUE, Professeur Elisée SOUMONNI, M. Marouf MOUDACHIROU et M. l’Ambassadeur Jacques ADANDE qui avait un texte rédigé. Il a expliqué qu’il l’avait fait à la demande d’Olga et qu’il le lit en sa mémoire. Pour terminer, deux communications ont été présentées. La première par le Professeur Joseph ADANDE, est intitulée : « une rencontre exceptionnelle » et l’autre par le Professeur Nouréini TIDJANI-SERPOS qui pourrait être titrée : « perpétuer la mémoire des porteurs de valeurs », il a été complété par son frère, l’ancien député, Ismaïla qui a tenu à mettre un accent tout particulier sur la réhabilitation des valeurs essentielles dans notre société actuelle qui les perd. Au nom de la fondation panafricaine pour le développement de la culture (FONPADEC) qu’il préside, le Professeur Nouréini TIDJANI-SERPOS a remis un chèque pour contribuer à une réédition de l’ouvrage : Les récades des rois du Dahomey.

Au nom de la famille, successivement Alexis et Désiré Suru Thomas ont remercié les têtes couronnées pour l’honneur qui nous a été fait de leur présence à l’hommage à notre père, l’assistance, venue nombreuse nous soutenir et particulièrement, Monsieur MOUDACHIROU pour son témoignage de haute valeur mémorielle. En fait, la dernière intervention a servi de conclusion générale à la session d’hommage et de devoir de mémoire. A ceux qui souhaiteraient approfondir la connaissance de l’homme et de sa vie, il a été signalé l’existence d’un blog et son site précis a été donné. Enfin, une adresse au Président de la République a été rédigée au sujet d’une réhabilitation effective du musée qui porte le nom d’Alexandre Sènou ADANDE. La journée s’est conclue par un déjeuner de partage et l’exposition a été démontée à partir de 17h.

DEUX POEMES DE GRATIEN AHOUANMENOU dit « le p’tit poète »:

CENTENAIRE !                                                       
                Quel système ou code de valeurs
                Guide le juste & vaillant serviteur
                Inflexible aux abus, même des supérieurs ?
                Une morale humaniste vécue avec rigueur !

L.P.P.


MEDITONS !
Est-ce en reniant sa culture par extraversion
Ou en fécondant les trésors de ses racines et traditions
Que l’Africain enrichit le dialogue des civilisations ?
L.P.P.


INTRODUCTION A LA JOURNEE DE SOUVENIR ET D’HOMMAGE
A ALEXANDRE SENOU ADANDE,
Acteur engagé de son siècle


Il y a un siècle naissait à Porto-Novo Alexandre Sènou ADANDE. C’est cet anniversaire que nous voulons célébrer. C’est le souvenir de ce grand homme que nous voulons marquer. C’est un hommage que nous voulons lui rendre.

Nos croyances et nos traditions font du souvenir un devoir qui va au-delà de la simple commémoration de nos défunts pour nous amener à une évocation plus profonde, celle des leçons de vie que nous ont laissées ceux dont nous célébrons la mémoire, leçons de sagesse, de philosophie. Nous voulons solliciter de nos disparus qu’ils nous inspirent, qu’ils éclairent notre intelligence, nous communiquent la force et dirigent nos pas dans un monde complexe et difficile.

C’est en cela que le souvenir d’Alexandre Sènou ADANDE s’intègre dans une démarche d’actualité.

Mais pourrait-on rendre hommage à Alexandre Sènou ADANDE sans associer à ce souvenir son épouse Marianne ADANDE née PAQUI, femme de conviction, femme de courage, femme forte qui a permis à son époux d’affronter l’adversité. Educatrice d’excellence, elle leur a permis de fonder et d’élever une famille nombreuse et unie qui leur fait honneur aujourd’hui.

C’est également pour nous un jour d’hommage, un hommage largement mérité à un de nos très grands hommes, un acteur engagé de son temps, dans son pays et sur son continent.

Nous voulons saluer un acteur infatigable de la renaissance de notre peuple et de notre continent. Les communications qui seront présentées au cours de la journée nous montreront comment Alexandre Sènou ADANDE a puisé dans sa culture nationale, dans notre histoire et dans l’art, dans nos traditions ancestrales, dans sa foi, les éléments qui ont forgé son engagement, son combat pour la dignité de l’Afrique, pour l’indépendance de nos pays, pour l’unité des peuples noirs.

Nous avons un devoir de reconnaissance et de gratitude à l’endroit de personnalités de la carrure et de la richesse d’Alexandre Sènou ADANDE pour l’inspiration qu’elles ont apportée, pour la voie qu’elles ont ouverte, pour le combat qu’elles ont mené avec audace et courage, combat dont nous récoltons aujourd’hui les fruits.

Notre responsabilité aujourd’hui, c’est de faire connaître et partager les idéaux et les pensées de ces fils éminents de notre pays et de notre continent. Car Alexandre Sènou ADANDE était bien évidemment dahoméen, mais aussi et très profondément Africain.

Je veux saluer ici l’initiative heureuse des enfants et petits-enfants d’Alexandre Sènou ADANDE, de certains de ses contemporains, des intellectuels et des compatriotes qui ont organisé cette journée de souvenir et d’hommage.

TEMOIGNAGES ET HOMMAGES :
                TEMOIGNAGE DE M. MAROUF M. MOUDACHIROU
                Ancien Directeur de Cabinet d’Alexandre S. ADANDE


Témoignage et hommage

Je ne suis pas de la génération d’Alexandre Sènou Adandé. Je ne suis donc pas en mesure de faire un témoignage similaire à celui de ceux qui l’ont mieux connu que moi. Je me contenterai, en l’occurrence, d’une des rares circonstances où il m’a été donné d’être en sa compagnie, de l’écouter, de l’apprécier, de l’admirer. Permettez-moi, auparavant, de dire un mot sur la cérémonie d’hommage à sa mémoire, cérémonie qui nous rassemble ce jour, en ce lieu.

         J’étais absent du territoire national pendant les obsèques d’Alexandre Adandé. La cérémonie d’hommage de ce jour, à laquelle j’ai la chance de participer, me parait plus symbolique que celle de son inhumation. C’est au centenaire de sa naissance que nous sommes conviés, pas à celui de sa mort. Les gens comme Alexandre Adandé ne meurent jamais. Sa vie et son œuvre constituent un héritage qui est, qui doit être une source d’inspiration pour les nouvelles générations.

         J’en viens à présent à l’une de ces rares circonstances où il m’a été donné d’être en sa compagnie, de l’écouter, de l’apprécier, de l’admirer, comme je le disais tantôt. C’était en décembre 1989, lors de la célébration du centenaire de la mort du roi Glèlè, comme quoi un centenaire peut en cacher un autre ! J’avais alors l’insigne honneur de présider le comité scientifique du colloque international organisé dans le cadre de cette célébration. Alexandre Adandé en était un illustre membre, et le doyen de surcroit ! Il était le seul à n’être jamais arrivé en retard, le seul à n’être jamais parti avant la fin des nombreuses séances de travail préparatoires au colloque. C’est en sa compagnie et celle de l’un de ses grands amis, le Professeur I. A. Akinjogbin – dont on connait la grande contribution à l’histoire du Dahomey - que j’ai fait le trajet Cotonou-Abomey-Cotonou. Je garde encore frais dans ma mémoire le souvenir des échanges de haut niveau entre ces deux grands intellectuels et chercheurs africains, dans un Yoruba admirable, non truffé de mots anglais ou français comme c’est malheureusement le cas de nos jours !

          La communication présentée par Alexandre Adandé à ce colloque d’Abomey est à la mesure du chercheur exigeant et de l’expert de l’histoire de ce Dahomey dont il était si fier. Son texte contient quelques échantillons des chansons royales d’Abomey, transcrites dans un français où il excelle comme en fon ou en yoruba. Si les actes du colloque d’Abomey n’ont pas été publiés, ils sont néanmoins accessibles à la communauté scientifique sous forme d’un volume relié, du reste dédié à la mémoire d’Alexandre, dont la communication, éloquente  illustration de son immense culture déjà évoquée par des orateurs qui m’ont précédé, y apparait en bonne place.
Comme on le voit, Alexandre Adandé mérite l’hommage des générations présentes et futures par la dimension et la signification de l’héritage intellectuel qu’il leur a légué.
Merci pour votre attention
Elisée Soumonni



HOMMAGES à Alexandre Sènou ADANDE

        Remerciements-Félicitations –Souvenirs. J’ai choisi ces trois mots nobles et lourds de sens pour saluer la mémoire et célébrer le Centenaire de la naissance d’Alexandre ADANDE. Oui, il aurait eu cent ans aujourd’hui. Sous d’autres cieux, la fête aurait été grandiose, voire nationale. Nous aurions pu organiser un colloque international, comme les Sénégalais le firent du 3 au 5 mai 2010 pour le Centenaire d’Alioune DIOP, son compagnon et ami à Présence Africaine. Ils avaient choisi pour thème : «  Alioune DIOP, l’homme et l’œuvre face aux défis contemporains ».

        Pour Alexandre ADANDE, nous avons eu une Journée d’Action de Grâces, de réflexion et de pensée. C’était le 7 mai 2012 à Cotonou, à l’initiative de ses enfants, de sa famille et de ses amis. Ce fut une réussite et l’occasion de rencontres conviviales entre des aînés et des jeunes, d’évocations de souvenirs. Je n’ai pas senti passer le temps.
Merci à Désiré, l’aîné de la famille, à ses frères et à ses sœurs de m’avoir associé à un tel évènement. Cela fait chaud au cœur de sentir qu’ils ne m’ont pas oublié. Je me suis senti honoré, heureux et comblé.

        Félicitations pour cette initiative qu’ils ont prise et menée à terme. C’est si bon d’avoir une telle progéniture affectueuse et de fidèle mémoire. « Souviens-toi sans cesse » recommandaient les Anciens. Et le poète COMTE-SPONVILLE de renchérir : « la fidélité est un devoir et une vertu de mémoire. C’est l’amour fidèle. » Je sais gré à mon ami, l’Ambassadeur Jacques ADANDE, de nous avoir rappelé dès le début de la cérémonie combien « nos croyances et nos traditions font du souvenir, un devoir qui va au-delà de la simple commémoration de nos défunts

        Que vais-je dire d’Alexandre ADANDE ? Que puis-je dire de plus que ce que les uns et les autres ont su si bien conter ? Quelles fleurs offrir pour cet anniversaire ?

       Des voix plus autorisées témoigneront mieux que moi. Pour ma part, je n’ai gardé que quelques souvenirs de jeunesse et d’adolescence, quelques images et quelques dates…

      DAKAR 1948. Mes parents m’avaient confié aux Religieux catholiques qui venaient d’inaugurer le Collège Sainte Marie à Hann, non loin de Dakar. De Porto-Novo, papa avait pris soin de me recommander à ses amis et compatriotes dahoméens. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’Alexandre ADANDE et de sa famille. Ils habitaient 25, rue Vincens. Ce foyer me devint familier et accueillant. Il hébergeait d’ailleurs deux de mes condisciples du Collège Sainte Marie : Roger PAQUI et Dominique KINIFO.

         DAKAR 1953. Le 8 septembre, ma sœur Isabelle épouse Albert TEVOEDJRE. Le jeune couple avait choisi comme parrains de leur union, M. et Mme ADANDE, un modèle édifiant. Nos parents ne firent aucune objection : c’est plutôt rassurant de la part de notre papa qui était obséquieux.
         PARIS-COTONOU JUILLET 1961. Une rencontre fortuite dans l’avion qui me ramenait de Paris, en vacances, allait orienter ma carrière. Je voyageais en effet avec le Ministre Alexandre ADANDE. Informé de mon cursus universitaire et de mon désir de retourner en France , il entreprit de me convaincre de revenir au pays, d’autant plus que j’avais choisi une carrière qui faisait de moi son émule ; l’intéressait l’histoire et la recherche. Il avait trouvé un habile complice pour me persuader : son collègue Albert TEVOEDJRE, mon beau-frère. J’ai cédé et j’ai accepté mon premier poste de fonctionnaire au Dahomey.

         QUE RETENIR d’Alexandre ADANDE ?

« Un homme s’en est allé. Sa vie nous parle et nous interpelle ». Que pourrai-je répondre ? Quels souvenirs ai-je gardés de lui ? Quelques traits saillants. Pour moi, Alexandre ADANDE était :

1°) Un homme de sa génération, un de ces intellectuels africains qui a réussi à allier culture et politique, réflexion et action. Ils ont lancé, à Paris, en 1947, la revue « Présence Africaine » et jeté les bases d’une Histoire de l’Afrique repensée et totale. Ils ont créé, en 1949, la Maison d’Edition du même nom. Ils ont surtout organisé, en 1956, le PREMIER CONGRES INTERNATIONAL DES ECRIVAINS ET ARTISTES NOIRS. Les premiers, ils ont dégagé et affirmé les principes qui, depuis lors, font de la Culture, l’outil de dialogue entre les peuples et le vecteur des revendications identitaires. Nous leur devons le PREMIER FESTIVAL MONDIAL DES ARTS NEGRES tenu, à Dakar, en 1966.
                Très tôt, Alexandre ADANDE avait sa place parmi ces pionniers qu’étaient Senghor, Césaire, Rabemananjara, Alioune Diop et tant d’autres. Il siégeait au Comité de rédaction de « Présence Africaine ». Ses compétences et ses convictions lui valurent d’être le Commissaire Général de l’Exposition « Art Nègre » au Premier Festival mondial des Arts Nègres. Avec son équipe, il avait réussi à animer pendant un mois, le Musée Dynamique de Dakar.

2°) Un rassembleur. Au Sénégal où il a longtemps vécu, Alexandre ADANDE était un des leaders africains les plus populaires. Il a activement contribué au regroupement des Dahoméens et des Togolais et à la création de l’Association dénommée « UNION DU BENIN ». Il dirigeait d’ailleurs leur organe de presse, la Revue « Gbédjinonvi », ce qui signifie en langue « mina », les frères vivant à l’extérieur.
                Cette recherche passionnée du rassemblement a marqué toute sa carrière politique. Il débute en 1946 comme membre du Comité Directeur du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Au Sénégal, on le retrouve à la Convention Africaine et à l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Même vivant au Sénégal, il s’intéressait à ce qui se passait au Dahomey et  dans toute l’Afrique Occidentale. On connaît son compagnonnage avec Félix HOUPHOUET-BOIGNY, FILY DABO SISSOKO. De toutes ses forces, il s’opposait aux tendances tribalistes ou régionalistes que des politiciens cherchaient à exploiter. Le Professeur Maurice AHANHANZO-GLELE en parle dans son livre intitulé    Naissance d’un Etat Noir. Je n’en dirai pas plus.

EN GUISE DE CONCLUSION. En nous voyant, si fraternellement recueillis, le 7 mai 2012, en mémoire d’Alexandre ADANDE, j’ai ressenti que la quête de ces pionniers de l’identitaire culturel africain     d’abord, demeure permanente. Même après cinquante ans d’indépendance, nous voici encore en errance, philosophant à qui mieux mieux sur les concepts de « refondation et de changement». Nous n’avons pas encore vaincu la fatalité. Face aux impasses, que faire ? La sagesse africaine nous apprend que celui qui ne sait pas où il va, doit au moins savoir d’où il vient. « Les morts ne sont morts » a écrit Birago DIOP et Jacques ADANDE a raison de nous rappeler, le 7 mai 2012, que : « nous devons solliciter de nos disparus qu’ils nous inspirent, qu’ils éclairent nos pas dans un monde complexe et difficile ».

                Ne les oublions pas. Comme l’ont fait les Sénégalais pour Alioune DIOP, apposons une pierre du souvenir sur la Maison familiale des ADANDE, à Porto-Novo, au Quartier Zébou-Aga. Pourquoi aussi ne pas bâtir une Fondation pour perpétuer et approfondir sa pensée et son œuvre ? Laisserons-nous en cet état, le Musée Ethnographique qui porte son nom ?

Albert EKUE


HOMMAGE A ALEXANDRE SENOU ADANDE
à l’occasion du 100ème anniversaire de sa naissance
07 mai 2012


Ce texte, je l’ai écrit à la demande de notre sœur Elise-Olga ADANDE épouse SIMPSON, qui avait lancé, avec ses frères et sœurs, l’idée de la commémoration du centenaire de la naissance de leur papa Alexandre Sènou ADANDE. Olga avait une très grande affection pour son père dont elle était particulièrement fière.

Voilà que le destin l’a enlevé avant même l’avènement de ce centenaire.
Je voudrais très humblement que ces lignes soient aussi, même si c’est très imparfaitement l’expression de notre affection pour notre sœur Olga.

J’ai été ému par la chaude et fraternelle amitié qui liait tonton Alexandre ADANDE au Président Emile-Derlin ZINSOU et particulièrement touché par l’immense estime que ce dernier lui portait.

C’est bien lui qui, faisant son éloge, affirma que si notre pays avait pu compter trois ou quatre hommes politiques, nationalistes, panafricains, de sa trempe, de son courage, de son honnêteté, de son engagement, le cours de notre histoire en aurait été changé, transformé très avantageusement.

Je ne m’attarderais pas sur la solide formation d’Alexandre ADANDE, ethnologue, muséographe, archiviste-bibliothécaire, documentaliste, un des premiers et des meilleurs africains de son temps et de sa profession puisqu’il fut, entre autres, chef du département d’Ethnographie de l’Institut Français d’Afrique Noire à Dakar, le meilleur d’Afrique Occidentale Française à l’époque ! A ce titre, il collabora avec le célèbre naturaliste et anthropologue Théodore MONOD et l’égyptologue et savant Cheikh Anta DIOP. Il y avait du reste été excellemment préparé après ses cours à l’Institut d’Ethnologie à l’Université de Paris et ceux de l’Ecole du Louvre en Histoire Générale de l’Art et un stage au Musée de l’Homme à Paris, ses voyages et séjours d’études en Belgique, Pays-Bas, etc.… des missions de recherche au Sénégal, en Mauritanie, en Côte d’Ivoire, en Haute-Volta, en Guinée. Il organisa des expositions particulièrement réussies consacrées à l’art africain à Dakar et Saint Louis au Sénégal, Accra et Kumasi au Ghana, Bamako au Mali. Et l’on ne saurait oublier son exceptionnelle contribution à l’organisation du premier Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar en 1966.

Mais ce que je veux retenir en premier et ce qui le définit avant tout c’est le nationaliste africain, l’homme politique engagé parce que désintéressé, l’homme de culture et le chercheur, l’Africain fier dont l’action dans tous les domaines visait essentiellement l’excellence. Sa foi, son éducation et sa culture chrétiennes avaient forgé sa générosité, son amour du prochain qui à leur tour avaient inspiré son engagement politique. Mais Alexandre Senou ADANDE n’aurait sans doute pas été le même personnage sans le soutien de son épouse Marianne Paqui. Depuis 1944 où les 2 se sont unis à Dakar, Marianne a constitué sa force principale, son soutien, son inspiration. Femme de principe et de rigueur comme lui, ils ont formé un couple idéal, ouvert et accueillant aux autres.

Il était fier de son pays, de son continent. Il avait consacré sa jeunesse et son ardeur à s’initier aux traditions et aux cultures africaines. Il avait tiré de leur richesse, un motif de fierté qui en avait fait un nationaliste et un panafricaniste militant. Les civilisations de l’Afrique ancestrale devaient inspirer la marche des générations présentes vers le progrès à travers la constitution de sociétés modernes enrichies de l’apport des valeurs éthiques spirituelles, artistiques et même techniques des empires et royaumes anciens qu’ils s’appellent le Songhaï, le Mali, le Ghana, le Bénin, le Zimbabwe ou plus proche de nous les royaumes d’Allada, du Danxome ou de Hogbonou.
Il n’est donc pas étonnant qu’il ait collaboré étroitement avec des savants comme Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly, les poètes et écrivains comme son ami Léopold Sedar SENGHOR, Aimé CESAIRE le Martiniquais, Léon Gontran DAMAS le Guyanais, le Malgache Jacques RABEMANJARA qui, à chacune de nos rencontres, des années après, demandait des nouvelles de son frère Alexandre ; Alioune Diop avec qui il contribua à la revue du monde noir PRESENCE AFRICAINE, Emile Derlin ZINSOU, le Président Louis IGNACIO-PINTO, etc.… Je ne peux les citer tous. Mais je voudrais les saluer tous ou honorer leur mémoire parce qu’ils étaient du meilleur cru.

Depuis toujours, Alexandre Sènou ADANDE n’avait qu’un objectif, à savoir la réhabilitation du monde noir dans son ensemble. Il n’est donc pas surprenant de le retrouver au départ de tous les mouvements nationalistes, de tous les combats pour l’Afrique Noire, le RDA (Rassemblement Démocratique Africain) dont il fut membre du Comité Directeur de 1946 à 1951, la Convention Africaine dont il fut le Secrétaire Général en 1956-1957 ; il fut membre du bureau exécutif de l’Union Progressiste Sénégalais (UPS), membre du Comité Directeur du PFA (Parti fédéraliste Africain), sans oublier tous les partis et mouvements nationalistes au niveau de son Dahomey d’origine et de naissance, le PPD – PRA dont il fut le Secrétaire Général, le Parti Dahoméen de l’Unité (PDU), le Parti démocratique Dahoméen, l’ UDD (1956, UDD pas encore adhéré au RDA) [RDA], etc.…

Dans ses différentes capacités, de chercheur, homme politique, homme de gouvernement, homme de culture, écrivain, Alexandre Sènou ADANDE était mû par la recherche de l’excellence. Il fallait que l’Afrique devienne le meilleur ou au moins d’égale valeur que les autres races et les autres nations. Il fallait que les peuples d’Afrique et leurs dirigeants se construisent une réputation d’excellence qui honore toute l’humanité. C’est pourquoi il était extrêmement exigeant pour lui-même sur le plan éthique, professionnel et moral. Il ne supportait pas que les jeunes africains et plus particulièrement les jeunes intellectuels africains soient médiocres, paresseux et laxistes. S’agissant de ses enfants dont nous étions, il lui était intolérable que nous ne soyons pas parmi les plus travailleurs, les plus méritants, les plus dévoués à la cause des pauvres, des moins bien lotis. Personnellement, j’ai eu à participer à une mission à l’extérieur, du temps où il était Ministre de la Justice et de la Législation. Nous étions tous sous tension. Il ne fallait surtout pas que nous n’accomplissions pas un travail impeccable. Je me rappelle que j’avais dû commencer le compte rendu de notre mission dont j’étais le rapporteur, au moment même où nous quittions le pays où nous avions séjourné afin que le texte fût déposé sur son bureau dès le lendemain de notre arrivée au pays. A titre d’information, nous avions quitté le pays de la mission en fin d’après-midi et tout le monde savait que le Ministre Alexandre ADANDE était toujours le premier arrivé à son bureau chaque matin avant 8h ! Ajoutez qu’il n’aurait pas toléré un texte de qualité médiocre, surtout pas d’un de ses neveux !

Tonton Alexandre était un père rigoureux, mais un père aimant qui consacrait avec plaisir son temps à discuter, échanger avec ses enfants. Il était préoccupé par l’éducation de ses enfants et des jeunes en général.

J’ai dit tantôt qu’Alexandre Sènou ADANDE était un homme politique profondément nationaliste. Il était de la même manière profondément démocrate. Il se battait pour des principes, des idéaux de justice, de liberté et de paix. Aussi ne supportait-il guère que l’on pût interdire à qui que ce soit et plus particulièrement à un adversaire le droit d’exprimer sa différence. On s’est gaussé pendant quelque temps au pays de l’incident intervenu lors d’un meeting politique à Porto-Novo. Des adversaires politiques étaient venus troubler la rencontre qu’il animait. On raconte que pris d’une rage folle, il avait tombé sa veste et était prêt à « faire le coup de poing avec les casseurs » ! Cet incident lui avait alors valu dans la presse de ses adversaires le sobriquet de ministre boxeur !! En effet la démocratie, la liberté étaient les dogmes fondateurs de son nationalisme africain.
Alexandre Sènou ADANDE a beaucoup écrit, qu’il s’agisse de publications scientifiques, ethnographiques, musicologiques, culturelles ou de textes circonstanciels ; mais beaucoup sur l’art africain dont il est resté un des grands experts de son temps. Ses écrits politiques sont essentiellement d’inspiration panafricaniste et nationaliste.

L’écriture d’Alexandre Sènou ADANDE est de facture classique, ordonnée comme celle de tous ses contemporains formés à la grande école des maîtres de William Ponty. Son style est enrichi de la culture et de la sagesse des grands maîtres africains. On a plaisir à le lire et les intellectuels gagneraient énormément à son contact et à sa fréquentation. Un commerce qui élève l’esprit et forme le cœur.

Je souhaite que les autorités de l’éducation et de la culture de notre pays promeuvent la publication et la diffusion de ses écrits qu’on pourrait rassembler selon les centres d’intérêt pour le profit des générations montantes. Je souhaite du reste qu’il en soit de même pour plusieurs de nos grands hommes dont nous pourrions nous instruire de l’expérience et de la sagesse. N’est-il pas en effet vrai qu’il n’y a pas de développement sans culture et qu’à l’origine de la culture il y a l’histoire ?

Alexandre Sènou ADANDE fut à la fois un homme de culture, un homme politique et un homme de développement. A ces différents titres, il mérite très largement notre reconnaissance. Et c’est à juste titre que la nation a voulu que le seul musée ethnographique de notre pays porte son nom : Musée Ethnographique Alexandre Sènou ADANDE de Porto-Novo.

07mai 2012

Jacques ADANDE

REMERCIEMENTS ET CONCLUSION

Je remercie le président de séance l’Ambassadeur Jacques Adandé pour la parole qu’il m’accorde pour conclure cet hommage. Malgré le devoir de réserve qui s’impose en raison de nos liens, je tiens à lui  dire mon admiration pour la maestria avec laquelle il a dirigé les activités. Permettez-moi de remercier aussi le secrétaire de séance, Alexis Adandé qui joue, aujourd’hui, un rôle discret à cette table. En effet, il a piloté l’aspect scientifique, historique et patrimonial de cette commémoration. Il a été notamment la cheville ouvrière de l’excellente exposition qui a évoqué la vie et l’œuvre d’Alexandre Sènou Adandé à travers des photos originales, des objets symboliques et des ouvrages précieux.

Je me dois d’exprimer, dans le même élan, ma reconnaissance envers tous mes frères et sœurs qui ont participé, avec enthousiasme et efficacité, à la réalisation de cet hommage. Je porte une attention particulière aux initiatives et à l’apport des petits-fils et petites-filles d’Alexandre Sènou Adandé. Leur collaboration est un gage pour l’avenir. Je signale la mise sur pied par Frère Alex d’un blog : http://alexandresenoucentenaire.blogspot.com

Je n’oublie pas que la messe d’actions de grâce a été dite, ce matin, par deux Dominicains dont Frère Clément, notre neveu, qu’ils en soient remerciés.

Nous avons reçu aussi le soutien de la famille élargie et des amis fidèles. Toutes ces remarques préliminaires soulignent le caractère strictement privé et familial de cette commémoration. De fait, le décès de notre sœur Olga, nous impose les contraintes du deuil, alors qu’elle a été jusqu’à son dernier souffle, une actrice très engagée pour la réussite de cet hommage. Après ces éléments d’appréciation personnelle, je me tourne vers votre auguste assemblée. Merci pour avoir bien voulu consacrer votre temps à cette journée d’hommage et du souvenir et, par votre présence, constituer le cœur palpitant de cette manifestation.

Nous avons eu l’insigne honneur de bénéficier de la venue parmi nous de Majestés royales, venues de Porto-Novo, la ville de naissance d’Alexandre Adandé, à savoir Son Excellence Le Roi Toffa IX, Le Zounon et Mito Mongbogan Agboton. La troupe d’adjogan a ajouté un cachet culturel spécial à l’ambiance générale de cette journée.

Les témoignages portés devant l’Assemblée ont été vivants et instructifs à la fois. Ils ont suscité un intérêt très vif. J’ai été particulièrement sensible à l’évocation de Monsieur Moudachirou Marouf. Il a été un collaborateur rare et efficace d’Alexandre Adandé dans ses fonctions de Ministre des finances et du budget et par la suite, de l’agriculture et de la coopération. Il a insisté sur son sens de la rigueur éthique et professionnelle. Ce sens de la rigueur que nous, ses fils et ses filles, avons trouvé difficile à vivre au quotidien mais à l’expérience de la vie, nécessaire à l’accomplissement de soi.

C’est avec bonheur que j’ai écouté le plaidoyer de mon ami d’enfance et frère Tidjani-Serpos Nouréini. Nous avons la chance d’avoir le soutien moral et matériel de ce grand intellectuel qui a eu des responsabilités comme directeur à l’Unesco, à un niveau international et qui continue de se préoccuper, à travers sa fondation, de l’élévation de notre jeunesse, surtout grâce aux écrits des fils du pays.

Je me dois de faire une adresse spéciale à mon frère Gratien Ahouanménou. Nous le remercions d’avoir souligné le caractère novateur de la démarche que nous avons adopté pour évoquer de manière originale l’œuvre et la vie d’un disparu, lors de retrouvailles en son honneur. Il marque son apport personnel, à cette occasion en développant, avec poésie, un éloge de la sagesse de nos ancêtres. Il a brillamment éclairé l’Assemblée sur la fabuleuse spiritualité du FA. En cela, il reste dans la lignée de son tonton Alexandre Adandé.
Le FA parle du destin humain
C’est ce destin qui a fait se rencontrer les témoins de ce jour,
Les différents intervenants et l’homme que nous commémorons aujourd’hui.
Pour le cas du petit-fils, Olayinka Sani-Agata, nous avons retenu que le grand-père Adandé lui a livré un adage : « ton avenir dépend de toi » qui se vérifie chaque jour. Il a le sentiment que son grand-père continue de lui apprendre des leçons de vie.

Le Professeur Ekué Albert a évoqué un destin croisé qui est au cœur de sa vie familiale et professionnelle et de celle d’Alexandre Sènou Adandé. Nous retenons que dès l’âge de douze (12) ans, il a été séparé de sa mère pour poursuivre des études à Dakar et confié à la protection d’Alexandre Adandé. Ce dernier l’a accompagné jusqu’au début de sa carrière au Dahomey et à l’international. Plus tard, durant son séjour à Bordeaux comme Directeur de l’Ecole Internationale, Alexandre Adandé lui confie ses propres enfants pour leur suivi scolaire. C’était une marque de confiance manifeste et un signe qu’il était en accord avec ses principes et valeurs.

Avec le Professeur Soumonni nous abordons le côté scientifique et culturel des rencontres. Avec un réel talent oratoire, il a fait part des facettes étonnantes de la richesse culturelle chez Alexandre Adandé, révélées au cours d’un colloque, à Abomey, sur le Centenaire de la mort du Roi Glèlè en décembre 1989. A cette occasion, il avait exprimé une maîtrise et de la langue fon et celle du yoruba et une connaissance profonde des traditions de ces deux cultures.

Selon le Professeur Soumonni, des personnages comme Alexandre Sènou Adandé ont vocation à renaître comme des phénix surtout lors des commémorations.

Nous avons suivi pour finir, toujours dans le domaine scientifique, le Professeur Joseph Adandé dans son parcours académique. Celui-ci a connu un tournant important, quand il a lu le livre sur les Récades des rois du Dahomey rédigé par Alexandre Adandé. Il a, par la suite, pu rencontrer l’auteur qui, dès lors, a pu suivre avec intérêt la rédaction de son mémoire sur les Grandes tentures et bas-reliefs d’Abomey. Depuis, Joseph Adandé est devenu un spécialiste de renommée internationale dans son domaine de compétence. Nous pouvons constater, une fois encore, que l’inspiration a été féconde.

La grande offrande de la journée nous a été donnée par les fillettes de l’école « les hibiscus » dirigée par Madame Rosine Aholonsou. Par leur animation de danse-théâtre, elles nous ont enchantés en exprimant la valeur de nos traditions et en démontrant que l’ « inculturation » est aussi possible dans nos écoles.

De tous ces témoignages et communications, nous pouvons relever qu’Alexandre Sènou Adandé avait une volonté d’allier une rigueur éthique et professionnelle avec une soif inextinguible de savoirs et de connaissances. Il avait aussi le goût pour exécuter toutes les tâches, petites ou grandes, en visant la perfection.

Alexandre Adandé a toujours cherché à retrouver ou à susciter chez les autres, cette volonté de faire aboutir les objectifs que l’on se fixe dans la vie et d’agrandir son savoir autant que possible. Je pense qu’en participant avec des sentiments chaleureux à cette commémoration, vous avez satisfait à ses vœux les plus profonds.

Je rends la parole que Jacques Adandé m’a prêté, en espérant qu’elle a gardé son pouvoir de nous faire avancer vers un futur toujours plus prospère et riche de toutes les cultures.
                              

Suru Désiré Thomas ADANDE



ADRESSE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN

            Monsieur le Président de la République
            Palais de la Présidence de la République
            COTONOU

Objet : Requête pour une restauration du Musée Ethnographique Alexandre Sènou ADANDE.

                                   Monsieur le Président,

            Par la présente, les participants à une rencontre privée et familiale organisée, à Cotonou, à l’occasion du Centenaire de naissance d’Alexandre Sènou Adandé, le 07 mai 2012, vous adressent la requête qui suit. Pour des raisons du deuil qui a frappé la famille, la commémoration en question a dû garder un caractère restreint. Toutefois, l’état du Musée Ethnographique Alexandre Sènou Adandé de Porto-Novo,  a préoccupé les participants. Aussi, a-t-il été retenu de vous faire partager notre souci dont le journaliste Jérôme Carlos s’était déjà fait l’écho dans sa Chronique quotidienne du 28 septembre 2007 à savoir  l’impérieuse nécessité d’une réhabilitation véritable du seul Musée Ethnographique de notre pays et qui porte le nom d’un de ses fils illustres : Alexandre Sènou ADANDE.
            En espérant que vous voudrez bien accorder une attention bienveillante à la présente requête, nous vous prions de bien vouloir agréer l’expression de notre respectueuse considération.
Fait à Cotonou le 07 mai 2012,        
Pour les participants

Alexis Adandé                        Marouf M. Moudachirou           Nouréini Tidjani-Serpos

Joseph C. E. Adandé               Ismaïla Tidjani-Serpos


Ampliation :   -     Ministre de la Culture, de l’Alphabétisation, de l’Artisanat et du Tourisme
 -          Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique


01 B.P. 1127 COTONOU R.P. Contacts : 96 34 61 83 / 21 33 08 49


                                     

ORGANISATION DE L’HOMMAGE ET DU DEVOIR DE MEMOIRE


Comité scientifique :

-          François de Médeiros
-          Alexis Adandé
-          Jérôme Carlos
-          Nouréini Tidjani-Serpos
-          Jacques Adandé

Comité d’organisation :

-          Jeannot Agboton (suggestions & conseil)
-          Marianne Agbo (logistique & gestion)
-          Honoré J-F. D. Adandé (trésorier)
-          Alexis Adandé (coordination, exposition & hommage/témoignages)
-          Rosine Ahonlonsou (animation des jeunes)
-          Jacques Adandé (conseil & modérateur)
-          Isis S. Christiane B. Adandé (secrétariat hommage Dakar)